Pourquoi pas plutôt une primo-stratégie du
bouclier, un jeu de Go, un Aïkido politico-militaire !?
Machiavel
affirmait que c’était la fin qui justifiait les moyens ; j’ose, plus
proche d’Aristote ou de Clausewitz, affirmer que ce sont les moyens et formes
qui justifient les fins et fondements.
Sun
Zu / Art de la Guerre : « Surprendre et dérouter l’ennemi est
faire précisément ce à quoi il ne peut s’attendre. ».
Quand
tactique et stratégie cesseront-elles enfin d’être confondues ?
L’Intérêt
et la Morale se trouveraient-elles alors conciliables en l’occurrence ?
Bien entendu, l’Etat d’Israël
était en droit légal et légitime de riposter de façon offensive à l’agression
des groupes armés palestiniens de Gaza – le Jihad islamique et le Hamas en
tête. Il avait le droit de répliquer de la même manière à ces nombreuses salves
de roquettes tirées depuis l’enclave palestinienne ; sans même compter les
infiltrations de combattants palestiniens en territoire israélien, par les
tunnels et la côte.
Toutefois, ce n’est pas parce
qu’Israël tel n’importe quel autre Etat était en son droit et en mesure de
riposter, en l’occurrence par une invasion temporaire de Gaza, qu’un tel droit
devait être nécessairement et de la sorte satisfait, en dépit de valeurs
morales universelles auxquelles souscrit Israël et au détriment d’un intérêt
stratégique rationnel plus efficace à long terme…
Etant donnés les moyens
humains, techniques et technologiques dont dispose Israël, il eut été peut-être
plus judicieux, stratégiquement et moralement, d’user d’abord d’une pratique
purement défensive face aux roquettes et missiles palestiniens et contre les
infiltrations terroristes par mer, air ou tunnels. Un mode opératoire ambitieux
et purement défensif, du moins dans un premier temps (quelques jours ou
semaines) qualifiable ainsi de bouclier polymorphe aurait eu l’avantage
d’éviter a priori tout bombardement
de Gaza avec son lot de pertes humaines, tout en protégeant comme le nom de
l’opération « Bordure protectrice » l’indique, la population et les
infrastructures israéliennes.
Grâce à la marine israélienne,
à ses unités d’élite terrestres, à son aviation militaire, ainsi qu’à son
dispositif anti-missile « Dôme de fer », les agresseurs palestiniens
se seraient, pendant plusieurs jours ou semaines, heurtés à une muraille
tactique et stratégique d’une redoutable efficacité, sans qu’il eut été
obligatoire de dévaster une bonne partie de Gaza ! Une telle méthode du
bouclier défensif multifonction, du « dos rond hérissé de
pics » sans la moindre visée immédiate sur Gaza, aurait politiquement
et affectivement permis de lever ou de dissiper, dans l’opinion publique et la
communauté internationale, tout doute sur la culpabilité et la responsabilité
évidentes du Hamas, à la Charte et à l’action odieusement explicites ! Au
lieu de cela, « Bordure Protectrice » s’est trop vite muée en
« Débordement Destructeur ».
La poliorcétique contemporaine
nous en fournirait maints exemples : grâce à ce bouclier, à ce blocage
aussi systématique que possible, pour lequel je plaide ici, les Gazaouis eurent
été probablement partiellement ou totalement épargnés de ces souffrances
physiques, morales et matérielles, tandis que le Hamas et ses alliés se
seraient militairement ridiculisés et politiquement décrédibilisés à se briser
contre une force tranquille néanmoins active israélienne. Une telle politique
du « dos rond » activement défensive aurait alors magistralement
permis de concilier l’Intérêt d’Israël et la Morale universelle ou du moins une
conduite éthique. En effet, en épargnant le plus longtemps possible toute
réplique massive à la population de Gaza, l’Etat hébreu serait en même temps
apparu à l’évidence comme la victime de l’agression palestinienne.
Ce faisant, Il aurait joui
d’une opinion populaire et diplomatique au minimum non défavorable, à moins
d’une mauvaise foi flagrante et suspecte, au maximum d’une vision clairement
favorable lui fournissant une légitimité morale et pratique, saine et utile,
soit dans la perspective de négociations futures en vue d’une résolution
globale et nécessaire du conflit israélo-palestinien, soit dans l’optique d’un
impératif ultérieur malheureux, à mener finalement des opérations
« musclées » dans Gaza.
Au cas où les activistes ou
terroristes palestiniens n’auraient pas été découragés, inquiets, épuisés à se
fendre contre ce dispositif de blocage, le Monde, après quelques semaines
d’acharnement djihadiste face au silence efficace et ferme d’Israël, aurait
considéré comme plus normal et objectif son droit et son besoin éventuel à
entamer une action militaire offensive dans Gaza. Moralement,
l’honneur d’Israël et de ses soutiens aurait été sauf et son intérêt satisfait
avec succès, sur le plan militaire, mais également politique et diplomatique,
en plein conflit géostratégique de l’information, de la communication et des doxa
hâtives et émotives qu’il soulève – opinions qui influencent les gouvernances.
Israël aurait donc dû
profiter de sa puissance défensive civile et armée, de ce que le Hamas s’avère
piètre artilleur et peu réellement soutenu par les Etats arabes (à l’exception
du Qatar) ou musulmans (exceptée la Turquie et quelques pays d’Asie du Sud-Est)
pour éviter la perte de vies palestiniennes et israéliennes, tout en redorant
son blason auprès de la Communauté Internationale et d’une Rue dubitative, ce
en vue d’un intérêt futur, préférablement politique ou tristement militaire. Le
Hamas et le Jihad Islamique se seraient ainsi d’eux-mêmes affaiblis ;
surtout que leur déclin avait commencé à cause de leurs positions sur la Syrie
et du contexte égyptien ! Israël pouvait profiter d’une première période
purement défensive pour exiger l’accélération du balai diplomatique et en faire
ainsi une course contre la montre, un « sprint », afin d’éviter la
nécessité d’une deuxième phase offensive sur et dans Gaza, dont la Communauté
Internationale aurait pu alors porter partiellement la délétère responsabilité…
Netanyahou n’est
malheureusement pas un Périclès et il semble qu’en voulant satisfaire son
opinion publique et ses électeurs réels ou potentiels à juste titre apeurés,
épuisés et impatients, il n’ait guère pensé la mise en œuvre d’un concept
honorable et durablement efficace, apte à associer l’Intérêt et la Morale (au
sens d’éthique), l’Image et la Réalité, l’Opinion et la Vérité ! Voici ce
qui arrive quand une Athènes se trompe à trop imiter Sparte ! La
conséquence des actions actuelles, outre les dommages civils, économiques et
matériels impressionnants et différents dans les deux camps, est
l’ensemencement de la haine, du désespoir en plus d’une formidable publicité,
propagande mensongère mais convaincante, victimaire et victorieuse du Hamas
comme l’incarnation ultime héroïque d’une résistance non seulement
palestinienne, mais aussi islamique, à la plus puissante et moderne armée du
Proche et Moyen-Orient. Ces milices, de plus, apprennent trop bien et vite de
leurs contacts prolongés avec l’Ennemi Israélien démocratique, structuré et
rationnel. Un tel piège tendu à l’Etat hébreu, une telle communication ou
promotion, pourraient avoir des effets dramatiques dans la Région et bien
au-delà, à courte échéance ou à plus long terme ! Il ne suffit pas qu’une
cause et qu’une finalité soient justes de façon nécessaire, pour qu’un
processus le soit totalement ; il ne faut jamais négliger la question des
moyens et modalités en même temps que celle des effets et conséquences !
Il est capital d’évaluer le
ratio résultant du rapport entre les moyens et énergies déployés et les
résultats obtenus.
On peut donc parfaitement être
à la fois clairement pro-israélien et pleinement soucieux des besoins, intérêts
et droits du peuple palestinien à être enfin et efficacement libéré du Hamas et
du Jihad Islamique, sur la voie d’un Etat Palestinien indépendant et
partenarial, économiquement et politiquement constructif.
Ory Lipkowicz. (Professeur Titulaire de
Philosophie.).